lundi 21 juin 2010

Un livre fondamental Christian Bouchet

Les éditons Avatar, annoncent la parution proche d’Imperium le maître livre de Francis Parker Yockey (1917-1960), soixante années après sa publication originale. Comme quoi, il faut parfois du temps pour qu’une œuvre politique fondamentale fasse son chemin.

En 1946, Yockey était arrivé en Allemagne et avait découvert l’œuvre des « libérateurs » : des dizaines de villes allemandes « nettoyées » à coup de bombes au phosphore (six cent trente mille morts civils, selon l’estimation la plus faible), seize millions d’Allemands expulsés de leurs foyers en Europe de l’Est (le plus grand nettoyage ethnique de l’Histoire, jamais égalé, et jamais dénoncé), les exactions commises contre la population civile allemande en 1945-48, les prisonniers de guerre allemands exterminés par la famine, par centaines de milliers, dans les camps américains et français, où la Croix-Rouge n’avait pas le droit d’intervenir. Et le début d’application du sadique plan Morgenthau destiné à transformer l’Allemagne en pays agricole, sans tenir compte des conséquences mortelles pour une grande partie de la population.

Yockey, personnalité sensible, passionnée, idéaliste, romantique, exaltée même, fut marqué pour la vie par ce spectacle terrible et jura de se consacrer corps et âme à la lutte contre l’Amérique et pour la renaissance de l’Europe. Son premier acte important fut de se retirer dans un coin reculé de l’Irlande, et d’écrire en six mois les six cent pages d’Imperium. Le message essentiel du livre est une condamnation définitive de la civilisation libérale marchande, et l’annonce quasi-prophétique d’un futur Imperium européen et d’une régénération de l’Occident selon un modèle autoritaire.

L’ouvrage ne passa pas inaperçu Julius Evola en fit un commentaire approfondi, et le célèbre historien militaire britannique Liddell Hart en fit une critique favorable. En France Maurice Bardèche l’apprécia tant qu’il en fit une traduction qui ne fut pas publiée mais qu’il fit circuler sous forme ronéotée.

Durant les années suivantes, Yockey développa et affina ses conceptions dans une série de textes, souvent extrêmement radicaux, mais comportant aussi des vues d’une clairvoyance remarquable, et des idées révolutionnaires pour l’extrême-droite de l’époque. L’un des premiers, Yockey prôna l’abandon total des vieux nationalismes du XIXème siècle, et appela à l’unité de l’Europe (« depuis les promontoires de Galway jusqu’à l’Oural ») autour d’un fort noyau germanique, avec la participation éventuelle de la Russie, vue comme un allié potentiel à partir de 1952. L’un des premiers, il comprit que les Etats-Unis et leur modèle de société étaient beaucoup plus dangereux que l’URSS pour l’identité européenne. Ces thèmes furent plus tard brillamment développés par Alain de Benoist et les théoriciens de la Nouvelle droite française (« l’URSS meurtrit les corps, l’Amérique tue les âmes »). Yockey n’hésita pas à établir des contacts avec le Bloc de l’Est, assistant au procès de Prague en 1952 (ce qui lui valut la révocation de son passeport par le Département d’Etat US). Il s’engagea ensuite en faveur du mouvement neutraliste et tiers-mondiste (né à Bandung en 1955), n’hésitant pas à se rendre en Egypte où il rencontra Nasser et Anouar el-Sadate pour lesquels il travailla quelques temps. Dans un activisme forcené, il parcourut le monde, véritable « commis voyageur en subversion », allant finalement jusqu’à Cuba avec l’intention de rencontrer Fidel Castro, bête noire des Etats-Unis à cette époque. Nul doute que le FBI ait été particulièrement irrité par ce dernier épisode, qui s’ajoutait à beaucoup d’autres. Quelques mois après cette visite à Cuba, il fut arrêté avec un faux passeport sur le territoire américain (« Ce n’est pas un petit poisson, c’est un homme qui nous intéresse beaucoup, beaucoup », déclara alors un représentant du FBI), et il se « suicida » dans sa cellule quelques jours plus tard.

Par sa vie passionnée, par sa mort mystérieuse, par son livre prophétique, Yockey est entré dans le mythe. Américain « apostat », il a eu une influence indéniable sur le courant euro-nationaliste, influence qui se retrouve chez le théoricien belge Jean Thiriart, dans la Nouvelle droite française, chez le philosophe russe Alexandre Dougine et sa mouvance « eurasiste » (car Yockey est bien connu en Russie), et dans tout le courant nationaliste révolutionnaire en général. A l’époque où il vivait, les idées de Yockey n’eurent que très peu d’impact et furent mêmes perçues comme une provocation par l’extrême-droite conservatrice, anti-communiste et pro-américaine. Au contraire, aujourd’hui, après la réunification allemande et la chute de l’URSS, avec la montée en puissance du mondialisme et du Nouvel ordre mondial, elles deviennent de plus en plus actuelles. Dans un monde où seules compteront les unités d’au moins trois cent millions d’hommes, l’unité véritable de l’Europe – et non pas l’Union européenne - est de plus en plus nécessaire et urgente (cela est d’ailleurs valable aussi bien pour l’Europe que pour le monde arabe et l’Amérique du Sud). Le rapprochement Europe-Russie devient lui aussi inéluctable et ouvre la voie à un futur grand ensemble continental et impérial (mais pas « impérialiste »). Avec le militarisme US et le pacte d’acier américano-sioniste sur fond de prophétisme biblique, la désignation de l’« ennemi principal » faite par Yockey est plus que jamais valable.

C’est dans cette perspective qu’il faut placer les écrits de Yockey, et sa prophétie de l’Imperium. Quelles qu’aient été ses outrances – indéniables –, cet Américain a été un grand patriote européen. C’est pour cela qu’il convient de le lire.

notes

Imperium. La philosophie de l’histoire et de la politique
Prix : €39,00

Auteur[s] : Francis Parker Yockey
Éditeur : Avatar Éditions
Date de Parution : 10/2008
Pages : 424

Collection : Heartland
Dimensions (cm) : 14,85 x 21
ISBN/EAN : 9780955513275

Disponible chez librad.com france

A lire aussi Le Prophète de l’Imperium, recueil de texte de et sur Yockey.