lundi 10 mai 2010

Qui veut noyer son chien…


Par Tahir de la Nive



Le proverbe est bien connu, son application expliquant l’usage par les media de l’expression « terroristes islamistes ».

Or, qu’est-ce qu’un terroriste et qu’est ce qu’un islamiste ?

Un terroriste, c’est un individu qui utilise la terreur comme moyen d’arriver à ses fins. En politique plus précisément, le terme désigne une organisation, étatique ou non, armée conventionnelle ou clandestine, qui frappe les dirigeants politiques, industriels, militaires ou autres d’un pays, ou encore, plus fréquemment, sa population ; ceci en vue d’infléchir la politique interne ou internationale de ce dernier. Le terrorisme est donc un acte de guerre, civile ou étrangère, plus précisément de guerre psychologique, car c’est le psychisme des masses et/ou de leurs dirigeants qu’il s’agit de frapper à travers le physique des victimes. Il va sans dire que le volume de destruction sera déterminé en fonction de l’ampleur ou de la profondeur du choc psychologique à produire. La stratégie terroriste peut certes rechercher tout un éventail d’effets à atteindre, dans tout autant d’objectifs et de buts qu’il est possible au cerveau politico-militaire responsable de cette stratégie d’en définir. Nous en retiendrons ici deux principaux, selon que cette stratégie est menée par une armée conventionnelle ou clandestine.

Dans le premier cas, le type de conflit est de nature conventionnelle : deux puissances en guerre s’en prennent aux populations, les soumettant à des destructions de biens et de vies, à des souffrances quotidiennes afin de les décourager de la poursuite des hostilités, de les désolidariser de leur commandement politico-militaire qu’il s’agit de dénoncer comme responsable du conflit et de ses conséquences en même temps qu’incapable de protéger ses administrés. Cette stratégie s’est développée aux 19e et 20e siècles, grâce aux moyens de destruction et aux vecteurs que lui ont donnés l’artillerie lourde pilonnant les villes, puis surtout l’aviation de bombardement stratégique. L’emploi de cette dernière, notamment, a donné naissance, au cours de la Guerre 1914-1918, aux théories du général italien Douhet, à l’origine soucieux de réintroduire, fût-ce dans les airs, le mouvement que la « guerre des tranchées » avait figé sur terre, développant subséquemment une stratégie de destruction de l’appareil logistique de l’ennemi, puis enfin de destruction de ses centres urbains. Cette stratégie fut systématisée par les Anglo-saxons lors du conflit suivant, puis encore en Indochine et en Irak (1), sans d’ailleurs obtenir les résultats escomptés, les populations prises en mains par des appareils politico-militaires forts et organisés se resserrant autour de ces derniers.

Le second cas débouche sur une analyse beaucoup plus complexe, en fonction de la nature clandestine des acteurs. Car si on peut en général identifier les victimes d’un attentat, les acteurs, eux, demeurent dans leur nébuleuse et avec eux la stratégie qu’ils sont supposés suivre ainsi que le cerveau orchestrant cette dernière. La question la plus raisonnable en vue de leur identification et avant même toute analyse de leurs moyens et de leur technologie, demeure : A qui profite le crime ? Ou encore : quelle est sa cible réelle, politique ; ceci dit en admettant que les cadavres déchiquetés, que les blessés hurlant leur douleur et leur terreur ne soient qu’un moyen, la cible réelle étant une entité politique ou plusieurs simultanément. Comme dans le premier cas, il s’agira de culpabiliser et de discréditer un appareil politico-militaire qui n’a pas su préserver le pays des maux dans lesquels une politique imprudente l’a engagé. L’autre victime de la stratégie sera le groupe politique auquel est attribuée la responsabilité de cette stratégie, tant il est évident que le juste courroux de la population frappée pourra être canalisé par les media en vue d’avaliser la mise hors la loi et la répression du groupe en question. Il se greffe là-dessus des effets plus vastes, telles la transformation du pays en régime policier, sa déstabilisation politique et sociale, ou encore des conséquences économiques graves résultant de l’éloignement d’investisseurs étrangers ou de la crise du tourisme.

Dans ces deux principaux cas de figure, le « moyen » reste le même : frapper la population en gros ou en détail, selon d’une part les moyens dont on dispose, selon d’autre part que l’on veuille donner un simple coup de semonce ou frapper massivement et pour de bon. Dans ces deux cas, il s’agit de tuer, de blesser, de traumatiser à vie des centaines, des milliers d’innocents. Un terroriste politique est donc un individu ou un groupe au service d’une des stratégies évoquées, qui délibérément y participe et accepte donc d’être acteur principal ou complice du crime qu’elle implique.

Qu’est ce à présent qu’un islamiste ?

C’est le partisan d’un système spécifique : celui qui découle de l’Islam et s’en veut l’application politique, économique, sociale et culturelle. Cette adhésion n’implique pas forcément celle à la théologie musulmane. En effet, si on admet que tout Musulman sincère, c’est-à-dire tout individu qui a prononcé de son plein gré la profession de foi selon laquelle l’Univers est régi par un principe unique, par un système de lois révélé au cours des âges par environ trois centaines d’hommes porteurs d’un message divin, le dernier d’entre eux, la paix soit sur eux tous, étant l’Arabe Mohammed porteur du Coran ; éprouvera le désir ardent de vivre au sein de l’ordre régi par ces lois et conforme à cette profession de foi, on admettra alors qu’il est aussi, nécessairement, un Islamiste. On peut par ailleurs admettre qu’un individu ou un groupe donné adhère à ce système parce qu’il en approuve les applications temporelles, sans forcément en reconnaître les fondements théologiques. Il est d’ailleurs notoire que le premier discours tenu par Mohammed aux notables de sa cité natale (2) était non point religieux mais essentiellement politique, les appelant à un renouveau de la Nation Arabe et à une purification de leur paganisme de l’idolâtrie ambiante. C’est encore un choix politique qui guida les habitants païens de Médine à appeler Mohammed à la direction de leur cité. Il semble d’ailleurs que celle-ci soit restée longtemps à majorité païenne, la population adhérant progressivement et librement à la théologie du Coran dont la révélation n’était pas encore achevée lors de l’arrivée de Mohammed et donc de la proclamation de l’Etat islamique dans leurs murs.

Le verset du Coran « Pas de contrainte en religion » interdit tout prosélytisme musclé et même toute action missionnaire à caractère religieux. Pour peu qu’il existe un prosélytisme de l’Islam, il ne peut s’agir que d’un prosélytisme en faveur de l’Etat islamique et des institutions qui lui sont propres, des solutions qu’il apporte aux problèmes de la société. Les institutions islamiques ont pour but d’ériger le cadre favorable à l’émancipation tant spirituelle que sociale du citoyen, aussi l’islamisation des masses constitue-t-elle un processus pédagogique passant par celui des institutions. C’est, en France, ce qu’avait fort bien compris l’Empereur qui dota notre pays du Code de 1804 basé sur le droit islamique qu’il venait d’étudier au Caire, ceci avant d’entreprendre la réforme du système économique, monétaire et social dans le sens de sa libération de l’Usure ; ceci encore en garantissant à tous les sujets de l’Empire la liberté religieuse absolue.

Il est donc urgent que les Européens soucieux de s’initier aux principes de l’Islam et de l’Islamisme se libèrent au préalable des clichés et préjugés hérités du passé chrétien de notre continent. L’Etat islamique n’est en rien un Etat clérical, pour la simple raison qu’il n’existe pas de clergé en Islam. Le professeur Massignon l’a avec raison qualifié de « Théocratie laïque ». Le Jihad n’est pas davantage une expédition de prosélytisme religieux avec pour consigne d’exterminer tous les récalcitrants. C’est l’action politico-militaire en vue de la sécurisation extérieure de l’ordre ainsi établi – le « petit Jihad » - et l’action politico-culturelle en vue de sa purification interne – le « grand Jihad ». On peut le qualifier en effet de « guerre sainte », non pas parce que son but est de convertir les « infidèles » par le fer et par le feu, mais d’une part parce qu’il est mené au nom de principes supérieurs d’ordre métapolitique, parce qu’il constitue d’autre part une voie de réalisation ésotérique pour ceux qui y participent. Ce sont là des principes que l’on retrouve dans toutes les sociétés à fondement théocratique, à commencer par celles de l’Europe antique et du Japon avec son Bushido. La pratique de la guerre s’y trouve codifiée et quatorze siècles avant les fameuses Conventions de Genève, le statut des prisonniers et des populations civiles y était défini. Le Code islamique stipule que tout non combattant doit être protégé dans sa personne et dans ses biens, appartient à cette catégorie le soldat qui ostensiblement a déposé son arme. Les prisonniers bénéficient du statut d’hôtes de l’armée islamique : leur nourriture et soins médicaux sont assurés avant même ceux des membres de cette dernière. Toute destruction inutile de l’environnement est interdite : ainsi l’abattage des arbres et du bétail, considération allant de pair avec les recommandations écologiques de l’Islam et nous rappelant le geste de Mohammed, dépêchant un de ses soldats en marche pour soigner un chien malade sur le bord du chemin. Citons à ce sujet Christian Cherfils (3): De longue date, les règles de la guerre sainte ont été tracées par les jurisconsultes musulmans. Elles sont de tout point conformes aux règles de l’équité : sommation préalable renouvelée à trois jours d’intervalle ; interdiction des cruautés inutiles ; garantie de la vie des non-combattants (…) Le Coran nous offre une des premières ébauches de la théorie sociologique de la guerre.

Ainsi donc la définition de l’Islamiste est-elle brièvement donnée : un partisan, éventuellement un prosélyte et un soldat de l’Ordre politique et social issu du Coran, ceci indépendamment de son option théologique. Ce n’est donc pas un missionnaire religieux, mais un militant politique. Un « Moujahid » même, si la défense de cet Ordre l’appelle sous les drapeaux et donc à la pratique du Jihad, celui-ci étant défini par un code bien précis excluant toute violence envers les populations civiles et les prisonniers. S’il se différentie des militants et soldats d’autres causes et systèmes politiques, c’est justement par son adhésion à ce code. Il en va de même de son commandement, de ceux qui définissent une stratégie politico-militaire au nom et en fonction des principes de l’Islamisme. Ils observeront que cette stratégie ne peut en aucun cas prendre des populations civiles pour cibles. Ils observeront encore que l’Islam n’est l’ennemi d’aucun peuple, d’aucune communauté religieuse ou autre, mais seulement la voie de leur redressement, de leur émancipation. En ce sens, les promoteurs de cette voie, autrement dit les Islamistes, ne déclarent jamais la guerre à un peuple, à une nation, mais à ses oppresseurs.

Il y a donc une évidente antinomie entre la pratique du terrorisme et l’adhésion à l’Islamisme, les principes de ce dernier excluant la première. La formule « terroristes islamistes » relève donc de l’absurde, car si d’une part un Islamiste cesse de l’être au moment précis où il viole les lois de l’Islam, il a d’autre part pour mission d’exposer au peuple les bienfaits de l’Etat islamique, les solutions que son système apporte à ses problèmes, avec sans doute une méthode plus appropriée que celle de lui tirer dans le tas !

Voici donc en ce qui concerne la théorie. Nous allons à présent démontrer cette absurdité dans la pratique. Celle de la conduite de toute guerre sous-entend en effet une hiérarchie politique-stratégie-tactique, un quatrième élément pouvant être schématisé par une ligne parallèle à celle représentant la transmission des ordres entre ces trois premiers et qui est la logistique. Ceci est vrai dans le cadre d’une armée conventionnelle comme clandestine dont non seulement l’action mais l’existence même présuppose celle d’un organe de commandement politique, le seul fait d’ouvrir les hostilités constituant un acte politique, la façon de les mener un choix stratégique, celle de les concrétiser sur le terrain, en fonction des hommes et des armes, l’option tactique ; la logistique correspondant à l’apport des moyens nécessaires à cette tactique, à cette stratégie, à cette politique. Le haut de la pyramide, ce dont l’existence conditionne celle de tout le reste, demeure l'appareil politique.

Ainsi donc, pour qu’il existe une armée islamiste, qu’elle soit conventionnelle ou clandestino-terroriste, pour que cette armée agisse en outre dans le cadre d’une stratégie, dispose d’une logistique, que son action se concrétise au niveau tactique, il faudrait nécessairement qu’il existe un commandement, plus précisément un Etat islamiste. Il n’en existe qu’un aujourd’hui, c’est la République Islamique d’Iran. Or cet Etat n’a assurément ni les moyens ni la volonté de déclarer la guerre à l’Occident. Ceci est d’ailleurs confirmé par les politiciens occidentaux et par les media à leur service qui n’accusent jamais l’Iran de soutenir le fameux « terrorisme islamiste ». Ils ont par contre inventé le mythe de la nébuleuse « Al Qaïda » dont on n’avait jamais ouï avant le fameux 11 Septembre. Le « cerveau » politique en question serait celui d’un homme, Bin Laden, dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’il fut lui même en contact avec les services spéciaux yankee ou même leur agent direct dans le cadre du conflit afghan. Le fameux 11 Septembre ayant provoqué diront certains, servi de prétexte dirons-nous, à l’invasion US de l’Afghanistan, les media nous y ont montré le PC désaffecté de Bin Laden : une grotte dans la montagne, sans même une antenne radio, d’où les attentats du WTC et du Pentagone auraient été planifiés et menés. Lors de cette invasion, les troupes US ont bien mis la main sur quelques douzaines de lampistes présentement détenus à Guantanamo dans des conditions défiant toutes les règles du monde dit civilisé, mais le gros des Talibans, malgré le contrôle des frontières opéré par les Pakistanais, ainsi que leurs chefs ont pu quitter le pays et poursuivre leur action de déstabilisation par le monde, notamment, comme par hasard, dans des pays récalcitrants à la domination US : la Russie et la Chine. Depuis lors, l’insaisissable Bin Laden joue à Spiderman, tantôt ici, tantôt là, frappant l’Occident où et quand il le veut.

Le directeur d’une « PME » admettra la complexité de sa tâche, bien que disposant d’un bureau équipé de l’Internet, d’un fax et autres moyens de communication. Encore n’a-t-il aucune raison particulière de masquer ses activités. Bin Laden, lui, à en croire les media, serait capable de diriger une armée clandestine répartie sur les cinq continents, ceci en étant lui-même dans la clandestinité, se déplaçant quotidiennement de cache en cache à dos de chameau ou à motocyclette… Voilà ce qui constituerait le haut commandement politico-militaire de cette armée clandestine capable de frapper sur le Globe où, quand et aussi fort qu’elle veut. Or, si n’importe qui peut faire de la stratégie seul dans son salon, la logistique, elle, a des exigences qu’on ne saurait satisfaire d’une chiquenaude.

Ce sont justement les problèmes de logistique qui font toute la différence entre une armée conventionnelle et une armée clandestine, en particulier au niveau du recrutement. La première a « pignon sur rue », ses centres de recrutement, d’instruction, etc. où il suffit au volontaire ou à l’appelé de se présenter. La seconde a des besoins numériquement infiniment moindres mais qualitativement nettement supérieurs : n’est pas « soldat de l"ombre » qui veut ! Elle n’a besoin que de spécialistes : qu’ils soient déjà formés ou qu’elle les forme, il ne peut s’agir que d’individus répondant à des critères bien précis. Tout naturellement, une organisation clandestine à caractère idéologique recrutera ses membres parmi les éléments « purs et durs » des organisations de la même orientation, le problème essentiel étant que ces individus soient déjà fichés ou des indicateurs, leur milieu infiltré, lorsqu’ils ne s’agit pas d’excités et de bavards plus dangereux pour l’ami que pour l’ennemi. Le problème suivant consiste à les former, à les planquer avant l’action, à les évacuer après… Résumons-nous en disant qu’une telle organisation nécessite d’immenses moyens matériels, des compétences individuelles d’un très haut niveau qui ne s’acquièrent pas par le seul zèle idéologique. Aussi, tout comme les équipes de football, ces organisations sont-elles à un certain niveau obligées de recruter, en y mettant le prix, des professionnels plutôt que des « fanas », incapables ou dangereux pour leur propre camp. Il existe, il est vrai, un autre moyen de recruter des agents, selon une méthode bien connue des organisations secrètes quelles qu’elles soient : c’est le recrutement forcé par quelque chantage ou par la dépendance de la drogue, par exemple. C’est ce qui explique les liens entre ces organisations et celles du crime organisé, notamment de la Mafia (les liens de cette dernière avec les services spéciaux yankee ayant d’ailleurs une autre origine).

Que font donc nos fameux « terroristes islamistes » dans ce tableau ? De Kelkal au dernier d’entre eux arrêtés : cet Algérien qui à Saint Sébastien s’était signalé à la police espagnole par un vacarme nocturne suivi de menaces de faire sauter tout Madrid, en passant par Reid, on retrouve à peu près le même type humain : des paumés et des amateurs. Certainement pas des Islamistes, car aucun d’eux n’a le niveau intellectuel d’un idéologue ni même une saine compréhension élémentaire de l’Islam ; ainsi donc, ni les moyens ni la volonté d’instaurer en Europe un système authentiquement islamique, pour le bien de tous les Européens, quelle que soit leur orientation religieuse. Certainement pas non plus des professionnels du terrorisme. La formation de ces derniers passe en premier lieu par l’acquisition d’un certain « look » : celui d’un « monsieur tout le monde » fondu dans la masse, du bon « père tranquille » que personne ne soupçonnera de penser à autre chose qu’à sa retraite et aux jeux télévisés. Certainement pas, pour commencer, des étrangers tapageurs, vociférant qu’ils vont tout faire sauter, arborant des turbans et des barbes, etc. L’armée clandestine, a dit Mao-tse-dong, doit se mouvoir au sein des populations comme un poisson dans l’eau. Dans le cas de ces prétendus « islamistes de l"ombre », il s’agit plutôt de zèbres égarés dans le tournage d’un « western » !

Si nous ne savons rien de l’Algérien gaulé à Saint Sébastien (que faisait-il là, de quoi vivait-il dans cette ville la plus chère d’Espagne – ou d’«Euskadi-Sud» comme disent les gens de l’ETA : était-il en liaison avec eux ?), nous en savons assez tant de Kelkal que de Reid. Leur « look », leurs propos rapportés dans la presse en ce qui concerne Kelkal, en disent long sur leur type d’« Islam » : celui prêché par cette variante des Wahabites que sont les Tablighis. Les Wahabites : un mouvement né en Arabie en 1791, en révolte contre le califat ottoman, autrement dit un élément diviseur et affaiblisseur de l’empire islamique. Les Occidentaux virent rapidement tout le parti qu’ils pouvaient en tirer et bientôt les Britanniques puis les Yanks s’en firent les utilisateurs ; d’autant que les fausses conceptions de l’Islam qu’ils véhiculent, notamment en matière de condition féminine, propres à maintenir les peuples musulmans dans l’obscurantisme et le sous-développement ; font tout à fait leur affaire. Les Tablighis sont une secte missionnaire de l’ultra-wahabisme – car si l’Islam authentique ne pratique pas le prosélytisme, le faux Islam des sectes, lui, à ses « mosquées », ses prédicateurs, ses centres gigantesques et souvent luxueux (tel celui de Dewsbury en Angleterre) où des milliers de drogués et paumés sont entretenus gratuitement. On y prêche l’Islam vidé de sa doctrine politique et sociale, les thèmes tels l’Islamisme et le Jihad y sont tabous. Les Chiites et par conséquent la République Islamique d’Iran y sont présentés comme Satan en personne.

Ainsi donc, aussi paradoxal que cela puisse d’abord paraître, les prétendus «terroristes islamistes» sont les produits, non du militantisme islamiste, mais de l’« Islam » apolitique et « modéré », si on entend par là qu’il condamne le Jihad et toute idée de pouvoir islamique. Si on cherche à les situer dans le « monde musulman », ce n’est d’ailleurs pas vers l’Iran qu’il faut se diriger, mais vers les régimes «modérés» et pro-occidentaux, vers ces pays qui ont fourni aux fameux Talibans leurs conceptions idéologiques, leur logistique et leur encadrement. Autrement dit, les «terroristes islamistes» sont en réalité des anti-islamistes.

Tout ceci est absolument logique, en effet, pour qui a bien suivi ce que nous avons dit précédemment sur la stratégie terroriste qui permet de faire d’une seule pierre plusieurs victimes : d’une part le pays qu’il s’agit de déstabiliser, d’autre part un mouvement politique qu’il s’agit de vilipender en lui attribuant mensongèrement la responsabilité du crime accompli – et, en ce sens, plus ce dernier sera sanglant et meurtrier, plus le mouvement désigné comme son auteur sera l’objet du ressentiment populaire, éventuellement de la répression gouvernementale. On peut fort bien imaginer une organisation terroriste puissante et redoutable tenant aux dirigeants du pays qu’elle vient de frapper la chantage suivant : si vous ne voulez pas qu’on recommence, en frappant cette fois encore plus fort et peut-être même plus près de vos palaces, signalez tel groupe politique précis comme auteur de l’attentat que nous venons de commettre.

En ce qui concerne le récent attentat de Madrid, il est notoire que les dirigeants espagnols dénoncèrent immédiatement l’ETA, mentionnant accessoirement qu’un véhicule volé avait été trouvé dans Madrid, contenant des détonateurs et… une cassette portant des versets du Coran. Dans les jours qui suivirent, on apprit de même qu’un message avait été lancé d’un lieu proche de la mosquée de Madrid. Les deux éléments devaient donc établir clairement la communauté musulmane comme étant liée à l’attentat. Une manipulation médiatique cousue de fil blanc, s’il en est ! Et si on admet que ces Laurel et Hardy de l’action secrète soient assez stupides pour abandonner une voiture volée, donc à court terme repérable par la police, avec à l’intérieur du matériel ayant servi ou devant servir à des attentats, on voit mal en tout cas des Musulmans pieux y laisser traîner des extraits du Coran, que leur support soit de papier ou magnétique.

Mais la manipulation avait des objectifs précis : culpabiliser la communauté musulmane, creuser un fossé de haine entre elle et les milliers de parents des victimes, l’ensemble de la population traumatisée. A un niveau supérieur, criminaliser l’Islamisme et rendre son idéologie inacceptable aux masses frappées. On a pu observer que le nouveau gouvernement espagnol avait décidé le retrait d’Irak du faible contingent militaire envoyé par le précédent ; mesure qu’il aurait prise de toute manière, en considération de l’impopularité de cette intervention.

Quoi qu’il en soit, la menace terroriste en Europe a pour effet immédiat de rapprocher nos pays des USA qui depuis le 11 septembre 2001 se présentent comme la « victime d"honneur » de cette menace, mais aussi comme le super-gendarme universel qui justifie ainsi son droit d’intervention dans les pays de son choix, arbitrairement désignés par Washington comme « nids de terroristes ». La question « A qui profite le crime ? » trouve donc sa réponse évidente, qui englobe évidemment l’Etat qui deux semaines après l’attentat de Madrid assassinait un vieillard, le « terroriste » Cheikh Ahmed Yassine dont le nom rappelle un village palestinien dont la population fut exterminée en 1948 par les authentiques terroristes de la Haganah.

Question qui a sa jumelle : « Qui – quelle puissance, quelle idéologie - au cours de l"histoire contemporaine a eu systématiquement recours au terrorisme en gros ou au détail ? ». Distinction déjà connue de l’Antiquité, un pirate s’adressant à un tyran qui l’avait capturé : Je n’ai qu’un seul bateau et on me dit un pirate, tu as toute une flotte et on t’admire comme un grand conquérant ! - et qui a gardé toute son actualité : qui pose une bombe dans un avion est un terroriste, qui lance des millions de tonnes de bombes de milliers d’avions sur des centaines de centres urbains souvent sans défense, c’est le Strategic Air Command ! Le massacre de millions de civils à l’atome, au napalm et au phosphore est partie intégrante de la doctrine militaire yankee qui se résume par la fameuse consigne que l’Oncle Sam donne à ses soldats, conscient de leur incapacité de faire face à un ennemi décidé sur le champ de bataille, de prendre en otages ses femmes et ses enfants : If you can’t beat them, bomb them !

Ainsi aux nécessités de la guerre s’ajoutent le pur sadisme et la volonté délibérée de poursuivre la destruction des trésors culturels répandus sur la Planète, sauf précisément dans la moitié nord du Continent américain, là où un peuple et une culture furent systématiquement anéantis : les Amérindiens. Quand nous parlons de sadisme, nous pensons précisément au bombardement de Tokyo, dont le nombre de victimes dépassa celui de Dresde et d’Hiroshima, l’horreur du crime également - ce qui n’est pas peu dire ! - car il était connu que la ville était alors essentiellement construite en bois, qu’elle flamberait donc comme une boîte d’allumettes sous l’effet des bombes incendiaires. Peut-on imaginer les dizaines de milliers de femmes, d’enfants, de vieillards croyant échapper aux flammes en se jetant dans les eaux bouillonnantes du fleuve ? Il est vrai que Hambourg avait connu un sort comparable sous l’effet des bombes au phosphore, l’asphalte des rues transformé en une véritable lave… A l’heure où nous écrivons, Bagdad est le théâtre d’un anéantissement culturel méthodique (4), ses musées pillés, ses trésors archéologiques pulvérisés ; ceci dans la lancée du dynamitage des Bouddhas d’Afghanistan par les CIA-Talibans. Nous avons donc ici affaire à un gigantesque bulldozer lancé sur la Planète pour y écraser aussi bien les peuples que les cultures.

De Tokio en 1944 à Madrid en 2004, la proportion du nombre des victimes varie de 1 à 100. Le droit islamique se garde pourtant d’une telle distinction quantitative : Tuer un innocent, c’est comme tuer toute l’Humanité. Ce que nous disions précédemment sur les quatorze siècles d’avance du Coran sur les Conventions de Genève se répète donc en ce qui concerne la notion de Crime contre l’Humanité ; le principe que nous venons d’énoncer renforçant sans équivoque l’interdiction coranique de la conduite terroriste de la guerre. Parmi les deux centaines de tués, parmi les milliers de blessés, parmi tous ceux qui perdirent ce jour là un être cher dont le seul « crime » fut d’avoir pris le train à cette heure et à cet endroit, on compte d’ailleurs des membres de cette communauté musulmane que les media ont insultée et culpabilisée en traitant d’ »islamistes » les terroristes, ne reculant devant aucune absurdité, devant aucun mensonge.

D’ailleurs, en matière de manipulation terroriste, plus précisément d’attentats qui ont transformé en boucheries des gares de nos villes européennes, il faut se souvenir de ceux commis par l’organisation terroriste d’extrême-droite Gladio dont on sait aujourd’hui qu’elle fut une création (comme d’ailleurs l’ensemble de l’extrême-droite européenne) de la CIA ; ceci expliquant sans doute l’empressement mis par les groupes et individus de cette mouvance que nous avons dénoncés (5) d’emboucher les trompettes que leur tend l’Oncle Sam dans le cadre de leur participation à la grande croisade anti-islamique, leur européisme et leur anti-américanisme de façade ne devant tromper personne !

Si lien il y a entre Terrorisme et Islamisme, c’est uniquement par la protection que le système propre au second offre contre les menaces du premier. Dès 1990, le Conseil Islamique de Défense Européenne avait signalé que nos pays d’Europe étaient soumis à une guerre totale, visant à leur disparition pure et simple. Un an plus tard seulement, dans le cadre de la Guerre du Golfe, les USA se livraient contre nos peuples à la stratégie de la conquête que nous avons dite « par absorption », avec pour effet une dépendance militaire accrue de nos forces armées de leur maître yankee, par ailleurs victimes de coupes sombres, tant dans leurs affectifs que dans leurs moyens. Enfin, trahison aux principes les plus sacrés de la République, la France subissait l’abolition de la conscription ; phénomène dépassant de loin, comme nous l’avons signalé (6), le seul cadre de la restructuration des Armées pour signifier le retour de la société française à la féodalité. Autrement dit, face à une situation de guerre totale dont nous voyons aujourd’hui les effets, à l’heure où des déséquilibrés manipulés de l’étranger dans le cadre d’un appareil permanent de déstabilisation peuvent à tout instant frapper notre pays ; nos Armées sont ramenées aux effectifs, aux structures et surtout à la mentalité de la « guerre limitée ».

Dans cette situation de guerre totale où on ne peut prévoir où, quand et comment l’ennemi frappera, le pays visé se trouve en état de défensive, ce qui en soi est positif selon la doctrine clausewitzienne qui voit là la « forme forte » de la guerre, à condition bien sûr qu’il s’agisse d’une défensive consciente et exploitable, tournée vers la contre-offensive, et non d’une passivité oisive ou résignée. Si dans tout conflit le belligérant qui a opté pour l’offensive se réserve le choix de l’heure du combat, c’est à son adversaire sur la défensive de lui disputer celui du lieu et de poser à sa guise le décor du champ de bataille. C’est la grande leçon que le vainqueur de Marengo et d’Austerlitz tira de son Maître en spiritualité mais aussi en Art de la Guerre, le vainqueur de Badr : Mohammed, ultime Messager de l’Unique. Les principes de cet Art valent tant pour la guerre que nous vivons aujourd’hui que pour la guerre conventionnelle d’antan, avec sans aucun doute un accent mis plus lourdement sur le facteur psychologique, autrement dit, sur la participation du Peuple à un conflit qui le concerne directement, ainsi que le peuple espagnol peut en témoigner aujourd’hui. Et seul l’Etat totalitaire peut répondre à la guerre totale : totalitaire parce qu’unitaire et mobilisateur des énergies national-populaires dans leur totalité. C’est dans cet esprit que dès 1990, le CIDE proposait une refonte totale de nos Forces Armées à l’échelle continentale, avec une armée de métier fournissant certes une force permanente et immédiatement mobilisable, mais servant en outre d’encadrement à une armée territoriale sur le modèle suisse englobant toute la population, la Gendarmerie plus précisément encadrant une Garde Nationale instruite dans les techniques de la déstabilisation psycho-terroriste, notamment en réactualisant les théories du colonel Trinquier en matière de quadrillage du territoire.

Il est à ce sujet d’une certaine ironie que ce soit le pays abritant, à deux pas d’Oxford Street, le bureau de l’organisation financée par l’Arabie Séoudite qui orchestra l’affaire Rushdie en même temps que le soutien logistique aux Talibans, qui donne aujourd’hui l’exemple de l’institutionnalisation de la délation populaire visant, compte tenu des circonstances et du battage mediatique, tout individu identifiable à l’Islamisme ; la manipulation bien huilée voulant que l’élaboration des causes soit suivie d’un contrôle et d’un usage efficaces des effets. De ce côté du Channel, Vigipirate a au moins de plaisant le rappel que l’Armée Française existe même en dehors du 14 juillet !

Tout ceci n’a rien de commun avec le système que nous venons à nouveau d’évoquer, basé sur le droit inaliénable du Citoyen de porter les armes pour la défense de son pays, de sa famille, de son peuple. Ce sera alors au terroriste d’agoniser comme le poisson dont le vivier est à sec, à ses commanditaires étrangers de devoir repenser leur stratégie, sachant qu’une agression conventionnelle trouvera face à elle les mêmes masses populaires armées et préparées au choc, d’Européens et d’Européennes puisant dans leur Histoire l’inspiration à la défense de leur liberté et de leur dignité reconquises.

Les media bien connus pour leur fonction au service de la colonisabilité européenne ont, en utilisant la formule « terroristes islamistes », joué le rôle qu’attendaient d’eux les vrais commanditaires du terrorisme : accuser de la rage le mouvement authentiquement islamique naissant de libération et d’unité européenne, rendre odieux aux Européens frappés dans leur chair le seul moyen de leur redressement historique et sans doute leur ultime chance de survie.

Grâce aux moyens dont ces media disposent, nous assistons aujourd’hui à une opération de diffamation politique sans précédente dans l’Histoire et dont font les frais des milliers de victimes innocentes, assassinées de sang-froid par des stratèges rendus invisibles par l’écran constitué de déracinés et de manipulés formés ou déformés par des sectes faussement islamiques abritées par l’Occident et financées par ses laquais wahabites. La diffamation vise quant à elle un mouvement qui n’existe pas encore réellement car, s’il y a parmi le milliard de Musulmans répartis sur le Globe un incontestable mouvement de révolte et d’indignation contre le mondialisme occidental, il n’y a pas encore de véritable mouvement islamiste d’envergure capable d’articuler une argumentation, de présenter à nos peuples d’Europe notamment la voie islamique de leur salut et de leur redressement. Alors, il importe pour ceux qui veulent maintenir notre Continent dans sa déchéance et nos peuples sur le chemin de leur extinction, de prévenir l’apparition de ce mouvement en le présentant d’emblée comme un repoussoir sanglant et monstrueux. La machination est aussi vieille que le fameux proverbe, inédits sont seulement les moyens dont elle dispose et le cynisme de ses stratèges. Mais comme l’enseigne le Coran : Allah est le meilleur stratège !


Tahir de la Nive
Nive1805@yahoo.com
Mars 2004

Notes

(1) Bien que les Britanniques aient eu recours au bombardement aérien, notamment à l’usage des gaz, contre des populations civiles en Afghanistan entre les deux guerres mondiales. On peut encore signaler que la Grande-Bretagne fut le premier pays d’Europe à se doter d’une aviation de bombardement stratégique, l’Allemagne n’ayant en 1939 qu’une aviation de bombardement tactique, notamment ses fameux Stukas, allant de pair avec sa doctrine militaire basée sur la percée par les blindés.

(2) La teneur de ce discours est d’ailleurs rendue par le peintre E. Dinet dans son admirable biographie de Mohammed, messager de l’Unique.

(3) Dans « Bonaparte et l"Islam ».

(4) Voir en annexe le communiqué du comité des « Amitiés Franco-irakiennes ».

(5) Voir notre ouvrage « Les Croisés de l"Oncle Sam ».

(6) Voir notre ouvrage « Guénon, Clausewitz et la doctrine islamique du Tawhid » ainsi que différents écrits et interventions dans lesquels nous démontrons que le retour d’une part des armées européennes, sous prétexte de « spécialisation », au mercenariat, d’autre part de la société civile européenne aux structures féodales, notamment par la mise à bas du système social, n’est pas fortuit, mais bien le signe d’une transformation historique de notre Continent.